vendredi 7 décembre 2007

Ma voisine - Nouvelle de Ali Dou’âji (1909-1949)


Ma voisine

Nouvelle de Ali Dou’âji (1909-1949)

Traduite de l’Arabe par Saïd M. Jendoubi

L’appartement attenant au mien était inoccupé. Auparavant, un groupe d’étudiants y logeaient. Je rendais grâce à Dieu, en secret et à voix haute, depuis le jour où je les entendis dire qu’ils allaient partir et rendre le logement à son propriétaire. Et, quelle ne fut pas grande ma joie, lorsque j’ai vu le camion de déménagement chargé de tapis, de lanternes et de paniers de toute couleur et de toute taille, démarrer.

Nous sommes sauvés, grâce à Dieu, du voisinage des étudiants. Le quartier est désormais calme. Plus de cris, plus de disputes et plus de révisions produisant un même vacarme, au point que tu ne peux les distinguer, les uns des autres, et ce malgré la finesse de ton ouïe.

J’attendais avec une grande impatience la venue de mes nouveaux voisins ; le propriétaire du logement m’avait avisé qu’il s’agissait d’une famille qui ne suscite pas de tohu-bohu, qui ne révise pas de leçons et qui n’élève pas de chiens.

Mon attente n’a pas duré longtemps, quand arriva le facteur portant une lettre de mon ami (S) m’informant qu’il était agonisant. Sa lettre ne disait pas s’il était en état d’agonie ou en état de conflit. Mais, qu’il m’attendait impatiemment…

Je ne pu que relire la lettre. Puis, j’ai décidé de me rendre chez cet ami (agonisant) ; et mon ami, ce monsieur (S) vit à Bizerte. Rien n’est plus aisé que de s’y rendre, après que j’eues choisi l’automobile. La seule difficulté qui subsiste, c’est de trouver de quoi payer mon voyage.

J’ai quitté la maison, cessant ainsi de guetter le voisinage et d’observer [le harem] la gente féminine descendre d’un fiacre, sous l’œil inquisiteur d’un mari jaloux.

J’ai laissé sacrifié cette scène, et je suis allé chercher un homme de cœur, à la main généreuse, et qui accepterait de me prêter quarante francs – une somme dérisoire comme vous pouvez le constater. En effet, je trouvai ce que je cherchais chez un vieil israélite, qui se propose d’aider les indigents pour un modique taux d’intérêt à cinquante pour cent.

Quelle ne fut grande ma surprise, lorsque j’ai trouvé mon ami (S) en train de soigner son agonie, ou plutôt son rhume dans l’un des bars de la ville de Bizerte.

Je l’ai aussitôt informé de ce que m’avait coûté sa prétendue agonie, en argent et en déception [déception de rater l’arrivée du harem de mes nouveaux voisins] ; ma stupidité le fit rire et il fit signe au garçon qui resta à notre service une nuit et deux jours.

* * *

Le propriétaire de mon appartement me dit en rapprochant ses sourcils de son blanc turban :

- il faut payer ou quitter la maison !

- oui, répondis-je, je payerai si Dieu le veut !

- Si Dieu le veut… si Dieu le veut… tu n’as pas payé les trois premières mensualités sous prétexte que le voisinage des étudiants troublait le calme de monsieur. Et à présent, qu’est ce qui te dérange ?

- Ce que je n’ose te l’avouer !... c’est payer !

- Bien sûr… cela te contrarie… tu ne comptes tout de même pas t’approprier la maison avec la méthode de « je ne paye pas de loyer » ?

- Je ne tiens pas à devenir propriétaire de cet appartement délabré, alors que je possède suffisamment de palais au paradis éternel.

- Et maintenant ?

- Écoute, cher oncle… maintenant que vous nous avez débarrassé du vacarme des étudiants, et que notre nouvelle voisine est une femme si charmante ? je payerai ce que je dois payer… mais pitié ! gardez donc cette quittance dont je solderai le montant dans trois mois au plus tard.

J’ai oublié de dire que ma voisine qui a emménagé le jour où je me suis absenté de la capitale, était, « selon les dires du propriétaire », une suissesse. Elle a la trentaine, ses cheveux sont blonds et elle n’est pas descendue d’un fiacre sous le regard d’un mari jaloux, mais qu’elle est divorcée et follement amoureuse du soleil africain.

* * *

Journée du 12 mai :

Hier, j’ai appris de ma voisine qu’elle n’était pas d’origine suisse. Tout ce qu’il y a, est qu’elle était en compagnie d’un richissime suisse, qui l’avait habitué à une vie fastueuse, [et qui lui a appris] le ski et le parler avec un accent allemand. En ce qui la concerne, elle est, cent pour cent, portugaise, elle est très admiratrice de ma peau brune et de mes cheveux noirs et frisés et elle désire acheter un manteau en fourrure, à 75 francs !

Ce matin, je lui ai acheté ce beau manteau. Le vendeur nous a fait une ristourne sur le prix. « C’est une bonne affaire ! » dit-elle en réceptionnant le cadeau… comme c’est joli d’entendre « merci », avec l’accent portugais (je veux dire allemand). J’aurai voulu lui acheter un deuxième manteau, à condition qu’elle me dise encore une fois, et avec la même douceur, le mot « merci ».

* * *

Journée du 15 mai :

J’invitai la dame à déjeuner chez moi ; elle accepta avec sa bonhomie toute suisse. Elle était subjuguée par le plat de ‘osbâne[1], ce qui provoqua, un peu, ma jalousie ; et puis, elle aima la kanouita après que j’eusse mis en exergue sa valeur historique : je dis qu’elle fut confectionnée depuis cent vingt ans pour le compte de l’un des rois de Kairouan !

Dieu merci, ma mère ignorait tout de la langue française ; autrement elle n’aurait jamais accepté que j’augmente ainsi l’age de cet objet.

* * *

Le propriétaire de mon appartement :

- Les flous !!! Les flous.

Moi :

- !... les flous !!!

Le propriétaire de mon appartement :

-… Tu payes ou je saisie !

Moi :

- Mais qu’est-ce que tu veux saisir ?

Le propriétaire de mon appartement :

- Les meubles bien sûr.

Moi :

- Fais donc.

Le propriétaire de mon appartement :

- Qu’est-ce que tu insinues ? Bien sûr que je vais saisir.

Moi :

- Je t’ai dit fais donc, f…ai…s… d… on…c, saisie tout ce qui nous reste… saisie le kanoun[2] et le réchaud… ha… ha… ha… !

Le propriétaire de mon appartement :

- C’est cela donc le culot dont parle dont on parle ! C’est cela le vrai culot ! Le premier trimestre n’a pas été payé parce que monsieur est gêné par le voisinage des étudiants. Le second trimestre, non plus car il était absent de la capitale et le troisième… je vais porter plainte, et tu quitteras le logement, avec l’aide de Dieu, humilié et tes effets saisies. J’ai dit que je vais porter plainte… et je le ferai !

Moi :

- Non ! Ne le fais pas.

Le propriétaire de mon appartement :

- Et pourquoi ne devrai-je pas le faire ? Tu verras !

Moi :

- C’est dans ton intérêt de ne pas le faire. Fais le et je demanderai d’être dédommagé.

Le propriétaire de mon appartement :

- Quoi ? Dédommagé ? Un mur t’est tombé dessus ?

Moi :

- C’est une vipère qui m’est tombée dessus ! As-tu compris ? Une vipère suisse ou portugaise… elle a englouti tout ce que je possède et, tu en es la cause !

Le propriétaire de mon appartement (affolé) :

- …

Moi (encouragé par son affolement) :

- Oui toi ! Tu n’as pas dit qu’elle était la veuve d’un marquis hollandais ? Tu ne m’as pas répondu le jour où je t’ai questionné à son propos qu’elle était la fille du roi des clous et qu’elle était son unique héritière ? Tu ne m’as pas raconté tous cela, alors que la vérité est qu’elle est à moitié folle et qu’elle ne possède que son visage pâle et sa trousse de toilette ? C’est cela la fille du roi des clous ? Elle n’a laissé dans mon appartement qu’un seul clou fabriqué dans les usines de monsieur son père ! Et ce clou est là… j’y ai accroché un tamis. S’il te plait, garde la quittance que je payerai le trimestre prochain. À moins que le futur locataire de l’appartement voisin ne soit une douce voisine de cette trempe.

(1936)



[1] Tripes farcies de riz, persil, foie et autres abats ; se mangent principalement avec du couscous.

[2] Un brasier en terre cuite qui sert à réchauffer et à préparer le thé.

samedi 1 décembre 2007

Le Lac par Lamartine... Traduction de S. Jendoubi



البحيرة

للشاعر الفرنسي لامارتين 1790-1869
نقلها إلى العربيّة سعيد محمد الجندوبي

عندما كتب لامارتين "البحيرة"، كانت حبيبته جولي لا تزال على قيد الحياة، وإنّما أجبرها مرضها القاتل على ملازمة باريس. كان الشاعر إذًا وحيدا، في مكان لقائهما المفضّل، وكان مشهد "بحيرة البورجيه" يبعث في نفسه شعورا بالحنين، وكانت ذكريات سعادته المهدّدة تدفعه للتعبير عن قلقه وخوفه أمام "هروب الزمن"، وكذلك عن رغبته الجامحة في تخليد حبّه، على الأقل بالذكرى. فهذه القصيدة إذًا مرتبطة بأحداث محدّدة. ومع هذا فلامارتين يتحدّث بلغة صادقة و موغلة في الإنسانيّة، بحيث أصبحت «البحيرة" قصيدة خالدة، تتناول مسألة قلق الإنسان أمام القدر، وكذلك شوقه لسعادة وحبّ سمتهما الدوام والخلود.

هكذا، يُلقى بنا دوما نحو سواحل جديدة،
وفي الليل الأزليّ نُؤخذ بدون رجعة،
فهل بمقدورنا يوما، على سطح محيط الدهور
إلقاء المرساة ولو ليوم؟

ألا يا بحيرة! ها هو الحول قد دار
وعند الأمواج الحبيبة التيّ كانت من جديد ستراها،
أُنظري! ها أنا اليوم جئتُ وحيدا، لأجلس على تلك الصّخرة
الّتي طالما رأيتِها جالسة عليها!

كنتِ تهدرين هكذا تحت هذي الصخور الغائرة؛
هكذا كنتِ تتحطّمين على جُنوبها الممزّقة؛
هكذا كانت الريح تلقي بزبد أمواجك
على ساقيها المحبوبتين.

هل تذكرين ذات مساء؟ كان قاربنا يجري بصمت؛
ولم يكن يصلنا من هناك.. من بعيد.. فوق الموج وتحت السماوات،
غير صخب المجدّفين، وهم يضربون بإيقاع،
أمواجك المتناغمة

ومن الساحل المفتون، علت فجأة بالأصداء
نَبَرات، لا عهد للأرض بها
فأنصت الموج، ومن الصوت الحبيب
تناثرت الكلمات:

أيا دهر، رويدك! وأنتنّ، أيّتها الساعات الخليلة
قفن!
لكي ننعم بأجمل أيّامنا
والنّعيم محكوم دوما بالزّوال!

كم من البؤساء في هذي الأرض يستجدونك
أطلق عنانك من أجلهم؛
خذ مع أيّامهم مآسيهم التي باتت تنهشهم؛
وانسَ السعداء

لكن، عبثا أسأل، من الوقت المزيد
يفلت الزمن منّي.. يفرّ؛
أقول لهذه اللّيلة: "تمهّلي!"؛ والفجر
سوف يبدّد الدّجى.

فلنعشق إذًا! فلنعشق! وبالسّاعة الهاربة،
هيّا بنا ننعم!
ليس للإنسان مرفأ، ولا للزّمان ساحل؛
فعجلة الزمان تدور ونحن نمضي!

ألا أيّها الدهر الحاسد، هل لساعات النشوة،
عندما يسقينا الحب السعادةَ بدون حساب،
أن تَطيرَ بعيدا عنّا، بسرعةِ
أيّام الشّقاء؟

ماذا! ألن يكون بمقدورنا أن نستبقي منها الأثر؟
ماذا! ولّت إلى الأبد؟ ماذا! ضاعت كلّ تلك السّاعات؟
هذا الدهر الّذي أوجدها، هذا الدّهر الّذي يمحيها،
أفَلنْ يعيدها لنا من جديد؟

أيّها الأزل، أيّها العدم، أيّها الماضي، أيّتها اللّجج السّحيقة،
ماذا ستفعلون بالأيّام التي قد ابتلعتُم؟
تكلّموا! هل ستعيدون لنا تلك النّشَوَات الكبرى
الّتي قد خطفتم؟

أيتها البحيرة! أيّتها الصّخور الصمّاء! أيّتها الكهوف! أيّتها الغابات الحالكات!
أنتنّ يا من يرعاكنّ الزمان.. بل قد يبعث فيكنّ الشباب،
احفظن من هذي اللّيلة.. احفظي أيّتها الطبيعة الغنّاء،
على الأقلّ، الذكرى!

لِتكن في سكونكِ، لِتكن في عواصفكِ،
أيّتها البحيرة الجميلة! وفي منظر تلاّتك الضاحكات،
وفي صنوبركِ الدَّجِيّ، وفي صخورك المتوحّشات،
المعلّقات فوق مياهك!

لتكن في هبّات نسماتك المرتعشة،
في لغط ضفافكِ وهي تردّده بالأصداء،
في ذاك النّجم، الفضيّ جبينه، ينشر ضياءه على سطحك
بلألئه الرّخو!

ولتقلِ الريح المتأوّهة، وليقل القصب المتنهّد،
وليقل شذى أريجكِ،
وليقل كلّ ما نسمع، وكلّ ما نرى، وكلّ ما نتنفّس،
ليقل كلّ الوجود: " لقد أحبّا"!